Rencontre avec les femmes girafes. Ai-je vu un zoo humain ?
- Len Phaya
- 23 nov. 2017
- 3 min de lecture

En vacances en Thaïlande avec des amies, nous décidons de jouer aux touristes.
Nous voilà dans un mini bus avec d’autres touristes pour visiter les alentours de Chang Mai et Chang rai. Nous commençons par un temple et un musée. L’arrêt suivant est un village de femmes Padaung, ( des Karen ) dans la province de Chang Rai, à quelques kilomètre du triangle d’or, dans le voisinage de Chang Mai. Cette étape, qui me laissait perplexe sur la plaquette, est comprise dans notre « day trip ».
Notre guide nous explique rapidement qui sont ces femmes. Elles viennent de la tribu montagnarde Karen, du groupe Padaung, de la région de Mae Hong situé entre Myanmar et la Thaïlande. Elles viennent donc de Birmanie. Leurs villages étaient assis sur des terres riches en opium et en or. La situation de conflit a fait que cette communauté à dû chercher un refuge ailleurs.
Notre guide nous parle de ces lourds colliers de cuivre (de 2 à 10kg) qu’elles portent dès l’âge de 5 ans, qui ne sont enlevés que pour la toilette, les visites médicales ou bien pour en changer la longueur tous les 3 ans. Ces mêmes spirales sont posées sur d’autres articulations, comme les genoux, pour les allonger également. Marque de beauté, protection contre les tigres et les enlèvements des autres tribus, la raison de ce collier à plusieurs sources. Elle nous parle aussi d’autres rituels de beauté, comme cette poudre mise sur les joues pour les rendre plus belles.
Par contre, notre charmante guide passe rapidement sur les droits de ces personnes qui sont limités car ils ne sont pas citoyens thaïlandais. Droit de circulation inter village possible. Droit scolaire limité, droit de se mêler aux populations limité.
Entendons-nous bien, en Birmanie, ce n’est pas plus rose. Ils furent chassés par la dictature Birmane dans les années 70. ( Nettoyage ethnique ? Déportation pour exploitation de l’or et de l’opium qui se nichent dans les terres de leurs villages natals? Peut-être un peu de résistance qu’on a voulu leur apporter un autre modèle de gouvernance et une religion monothéiste ?) Le gouvernement interdit le collier et autres pratiques, signes de leurs appartenances ethniques.
Ce groupe comptait quelque 200 000 réfugiés. On en récense moins de 10000 Padaungs aujourd’hui en Thaïlande. Ici, en Thaïlande, il existe 5 villages au sein desquels elles peuvent circuler. Au Myanmar, il reste quelques Karen des villages ruraux vivant loin des radars des touristes.
Rien de plus. Les explications sont sommaires. Le matriarcat Karen est pourtant plus riche que cela. Ces femmes girafes sont cheffes de familles, guérisseuses, détentrice de la tradition religieuse, héritières d’un certains artisanats et de savoir agricole.
Cette partie de leur culture n’est sûrement pas vendeuse.
On sent pourtant une mise en scène forcé de ce tourisme ethnique. Certaines jeunes filles sont avec leurs portables, en jeans, descendent de scooter. Les autres tisseuses ont l’air de prendre leur « quart » après s’être changé. Nous reconnaissons certains visages présents sur les affiches des city trip exposé à Bangkok et Chang Mai.
Nous entrons dans ce village calme, assez isolé, après avoir passé le parking et une zone de petites échoppes. Le village est tout en longueur, fait de planches, de bambou et de paille. Les hommes travaillent à l’extérieur et les femmes tissent des étoles et écharpes, tiennent les boutiques, s’occupent des enfants et se font prendre en photo avec les touristes. Des photos ? Un peu étrange dans ce zoo humain et pourtant, cela donne envie de témoigner.
En effet, il règne ici une atmosphère « d’exposition coloniale ».

Après renseignement, ce village que nous avons vu est un village purement touristique. Une reconstitution originale. Le droit d’entrer de 250 bath, environ 6e, semble aller au gouvernement thaïlandais. Ici, pas de tourisme « humanitaire », on ne nous conduit pas là pour activer notre sentiment de super héros. Le touriste consomme de l’image et de la tradition qu’il pourra « instagrammer » en 30 min
Alors que de retour en France, une manifestation se tient face à la vente des esclaves en Lybie, on peut s’interroger sur cette étape touristique, sur cette terre de diversité ethniques et culturelle. Le HCR et d’autres ONG dénoncent et interdisent. Cet autre article m’interroge. https://www.courrierinternational.com/article/2009/10/19/les-anneaux-de-la-tradition
Femme girafe, c’est aussi un métier. Le port du collier est rémunéré. 60 euros par mois auparavant, 30 euros depuis que le tourisme n’est plus aussi florissant. Si ces femmes font cela pour leurs enfants, faut-il couper cette source de revenue ? Nous avons-nous aussi nos femmes objets en occident et elles gagnent bien leurs vies.
En 30 min, on se pose beaucoup de questions, mais on n’a pas beaucoup de réponses.
Ai-je participé à une activité touristique, au maintien d’une tradition, à sauvegarde d’une tradition ou exploitation tranquille de réfugiés politique ? Quel gouvernement vous fait miroiter la liberté en vous assignant à résidence ?
Qu’en pensez-vous ?
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