L'urbanisme
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La résilience urbaine
Voici un des sujets que j’aborde actuellement avec l’ONG Habitat para la Humanidad Chili.
Je voulais vous en expliquer les grandes lignes.

Les définitions annexes
Il y a toujours des tendances dans l’utilisation des idiomes.
Que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans le monde du travail. En ce moment, et sûrement pour la décennie, le terme à la mode c’est « la résilience ».
Définition de résilience
Ce joli idiome nous vient du monde scientifique.
"La résilience est la capacité d’un matériau à résister au choc et à retrouver sa forme initiale." Le terme a ensuite dérivé dans la sphère scientifique pour définir le comportement d’une espèce animale à s’adapter à son environnement et la capacité des êtres humains à affronter les traumatismes et à revenir à une vie « normale ».
Une autre notion à la mode qui peut être mise en lien avec la résilience est la notion de « capabilité » d’Amartya Sen. Capabilité est une des traductions possibles du terme. C’est plus une francisation qu’une traduction d’ailleurs.
La notion de « capabilities » de Sen (prix Nobel de sciences économiques de son état), met en lien les caractéristiques personnelles, les modes de vie, les agissements et le conséquentialisme qui font la diversité de l’humanité. Les capabilités dépendent de plusieurs vecteurs tels que les biens, la façon de les utiliser, le sexe, le contexte social, le mode de vie. La capabilité est donc la possibilité pour un individu d’agir ou de choisir en toute liberté, selon les différents vecteurs qui l’influencent.
La capacité c'est aussi la possibilité d'actionner des leviers et de créer des occasions d'améliorer son quotidien par le biais de ses actions.
Définir la résilience urbaine
1. Celle de ONU-Habitat : « La capacité des villes à résister et se rétablir rapidement en cas d'événement catastrophique ».
2. Celle de la SIPC (stratégie Internationale de Prévention des Catastrophes naturelles) : « La capacité d'un système, d'une communauté ou d'une société exposée aux dangers à résister, absorber, s'accommoder et récupérer d'un danger ».

Construire la résilience urbaine
Penser la ville comme une structure résiliente nous oblige à établir des scenarii positif et négatif pour celle-ci afin de gérer le « probable ».
Beaucoup de villes se sont développées dans des zones où le climat est inamical. De même, la multiplication des activités humaines sont sources de dangers pour la population et pour l'environnement. Malheureusement, il est impossible de réduire les risques en déplaçant tous les dangers dans une zone géographique inoffensive, tout comme il est impossible de déplacer les populations pour les implanter dans des régions où elles pourront vivre sans s'inquiéter de l'avenir.
Travailler sur la résilience urbaine, c'est donc travailler sur la flexibilité et la solidité de la ville. Une ville résiliente doit agir à la fois comme un organisme vivant dans n'importe quel microcosme et comme un écosystème sûr et complet et ancré dans son territoire. Elle doit être assez souple pour absorber les chocs et se rendre flexible comme un roseau. La ville résiliente doit pouvoir changer et se réinventer en profitant des ascendances positives et des bonnes pratiques des villes voisines. Elle doit résister pour ne pas être détruite. Enfin, elle doit être durable et transformer ses faiblesses et négativités en ressources.
C'est aussi construire des alliances territoriales fortes, pour renforcer la résistance du maillage urbain et faire en sorte que chaque composante urbaine et organisations compétentes travaillent en complémentarité.
Construire la résilience urbaine, c'est prendre en compte la réalité de la vulnérabilité urbaine. Contrairement au sentiment général, Être en ville n'est pas un gage de sécurité totale. Il existe des facteurs de fragilités urbaines. Qu'ils soient sociaux, sanitaires, environnementaux ou physiques.
Il faut rendre la ville flexible tout en lui permettant d'évoluer intelligemment et durablement.
Le concept se considère avant tout dans le domaine du génie urbain. L'aspect scientifique de la résilience nous fait avant tout penser aux matériaux et a l'ingénierie urbaine. Puis il pose la question de la gestion opérationnelle de la ville. Comment penser la ville avec ses tracas et proposer des pistes de développement et de programmation pertinentes, propose des clefs de lecture différence, la permaculture et agriculture urbaine, la préservation du patrimoine, la gestion des déchets et des ressources, la gestion des risques urbains, mais aussi l'intégration de la notion de durabilité pour la gestion des villes actuellement en pleine croissance. Il est de plus en plus nécessaire d'avoir une approche multi systémique de la gestion urbaine. Tout comme il est nécessaire de se réinventer en partant du principe que le modèle actuel de nos villes est imparfait, même s'il est complet. Rendre une ville résiliente, n'est pas forcément faire en sorte que le retour à la normale soit le retour à notre modèle actuel.

Définir la résilience urbaine
La résilience urbaine est un peu différente du concept de ville durable. La résilience urbaine nous met sur le chemin de la durabilité urbaine sans la définir parfaitement.
Il faut être honnête sur ce point, la ville durable, la ville durable, c'est encore un concept assez flou qui cherche à se préciser lui-même pour le moment. On peut dire toutefois qu'une ville durable est une ville qui se développe et se planifie en faisant attention aux enjeux environnementaux, énergétique, à la problématique du mitage urbain, des transports, à son implantation régionale et donnera une importance particulière à son dynamisme économique et à la qualité de vie des habitants.
Pourquoi parler de résilience et non de durabilité?
Parce que nous vivons dans un monde de plus en plus urbanisé.
Parce que la croissance démographique est en constante hausse.
Parce que la résilience est à mettre enlien avec la notion de risque. risques naturelles, risques anthropiques et avec une des choses qui règle notre monde , l'argent. Le coût des catastrophes naturelles est élevé. Il est élevé en terme de perte humaine, de perte environnementale, de logistique, de secours et de reconstruction. En 2013, l'assureur SWISS RE de Zurich estimait à près de 95 milliards d'euros les coûts des catastrophes naturelles et humaines pour la seule année 2013.
La résilience urbaine, nous demande d'avoir une approche pluri systémique de la ville. Cette notion est particulièrement abordée dans le domaine de la gestion des catastrophes et la prévention des risques en zone urbaine.
Souvent, les agglomérations et gouvernements locaux ont eux-mêmes besoins d'augmenter leur propre capacité. Leurs capacités à être plus proche de leurs habitants, répondre à leurs besoins en leurs proposant des services adaptés. En effet, de nombreuses villes s'urbanisent massivement sans pour autant maitriser la qualité des constructions ni la pertinence de leurs implantations et sans pouvoirs produire à rythme égal des infrastructures nécessaires pour assurer une bonne qualité de vie. Lorsque ces villes se trouvent dans des lieux comme les Philippines, Haïti, et sont, en plus, touchées par des catastrophes naturelles ou anthropiques, elles mettent encore plus de temps à se relever.

Les difficultés actuelles
La résilience urbaine est autant un défi humanitaire et qu'un défi de développement.
Celle-ci s'entend néanmoins sur un territoire qui fait déjà sens. En terme de gestion des risques par exemple, il est aisé de comprendre qu'il est plus difficile de rendre résilient un camp de réfugiés ou un quartier informel d'Haïti après un séisme, qu'une ville nouvelle ou une ville qui a déjà plusieurs centaines d'années dans une zone géographique stable.
Sur le terrain la résilience passera avant tout par un travail avec les habitants et un emporwerment des foyers, des communautés, des organisations locales. L'empowerment ou la capacitation des populations est un enjeu important et une clef de réussite. Cependant, la résilience est un concept qui malheureusement a plus tendance à se diriger vers les bailleurs que vers les populations. Le degré de proximité et d'appropriation des changements et responsabilités par les habitants est un maillon qui doit être renforcé.
Construire la résilience, c'est aussi une question d'argent. Il faut des gouvernements forts qui établissent des plans d'urbanismes et les fassent respecter sans répondre à la tentation des lobbys immobiliers. Investir dans la réduction des risques demande un cout supplémentaire. Les infrastructures aidant à la réduction des risques, telles que les infrastructures sanitaires ou le matériel des brigades de secours sont onéreuses. Les matériaux de construction de bonne qualité coutent plus chers et les interventions d'experts aussi. Ce coût demande un effort pour les communautés, qui même si elles comprennent la nécessité d'investir dans des structures solides sur le long terme, sont aussi à la recherche de solutions de court terme à la portée de leur budget.
Ce que je remarque également depuis que je suis au Chili, c'est que construire la résilience passe aussi par la possibilité d'avoir un accès aux informations et une bonne communication. Pour connaitre les risques, il faut avoir des données à jour et des données accessibles. Santiago est, par exemple, doté d'un mécanisme de gestion des catastrophes et d'un mécanisme d'alerte précoce, cependant la communication, la formation des populations et l'accès aux données sont encore minimes alors que cela participerait à améliorer le mécanisme de réduction des risques.
Enfin, l'approche environnementale n'est pas une préoccupation des projets d'urgence et n'est pas encore intégrée partout comme une pensée nécessaire au plan de gestion des risques.