Encore un autre accident...
- Courtois Marion
- 2 août 2014
- 4 min de lecture
Entre 2h et 3h du matin un bruit sourd dans la nuit. La brume de Morphée ne m'enveloppe pas encore totalement. Mais ce bruit ne me fait pas sortir du lit. Ce n'est pas dans l'appartement. C'est de la tôle. Rien ne peut produire un tel bruit dans l'appartement. Sûrement dehors. On dirait une voiture qui est rentrée dans un arbre ou dans une autre voiture. J'entends des voix dehors, ça doit être cela. Le constat va être un grand moment de bonheur...
Le bruit persiste. C'est un accident. Juste sous nos fenêtres. Le pauvre garçon sortait peut-être de chez sa sœur et se dirigeait en ville pour aller boire un verre. Ou pas. Peut-être qu'il rentrait chez lui. L'Audi qui l'a percuté a pris la fuite. Il ne reste que le sigle qui s'est détaché et qui est resté à 40cm du corps. Un beau souvenir.Le temps s'égraine. Je rejoins mes colocs dans le salon. L'un d'eux m'explique que cette rue est super dangereuse. L'homme s'est certainement fait percuté en traversant la rue. Le conducteur a pris la fuite.
En bas, on nous demande d'appeler une ambulance, car le temps s'écoule. On indique que c'est fait. Je décide de descendre. Pas par curiosité malsaine. Mais ce que je vois depuis ma fenêtre ne me plait pas. En bas, on nous demande d'appeler une ambulance, car le temps s'écoule. Juste une dizaine de personnes attroupée. Personne ne lui parle, pas d'interactions. Juste une dizaine de personnes attroupée. Et finalement un diplôme de 1er secours cela sert aussi à se mêler de ce type d'histoire. Pas à jouer aux héros, mais à donner le plus d'informations possibles aux autorités qui seront en charge du blessé par la suite. Je passe en revue le protocole dans ma tête. On touche la gorge de M. X pour vérifier son pouls. Une fois en bas, je regarde la situation. Les vertèbres ont dû prendre cher, vu l'angle inconfortable du corps. Le corps est à côté du trottoir. La tête a surement tapé contre le trottoir. Il y a du sang seulement d'un côté du visage. Les yeux ne répondent pas. Ou plutôt il ferme les yeux volontairement. L'abdomen, le ventre bouge. Le périmètre n'est pas sécurisé. Il y a beaucoup de bruit autour de lui. J'ai du mal à distinguer ma propre voix. Du coup, je ne sais pas s'il répond quand on l'appelle et il est hors de question de le secouer. Pas envie de le mettre en PLS, ça ne semble pas la bonne chose à faire. Il faut éviter tant que possible le sur accident. Aucune personne de cette petite foule curieuse ne semble le connaitre. Personne ne lui parle ni l'informe de ce qui se passe de notre côté du monde.
Mais la police arrive 2 minutes après que je sois descendu.La police arrive ... Mouais. Homme au sol, la trentaine. Les passants expliquent l'accident. Je contribue en expliquant qu'il respire que ces yeux « pourraient » répondre. Je ne sais pas si je peux le toucher et lui lever les paupières. Il faut peut-être regarder avec la lampe de poche. Je n'en ai pas ici il n'y a pas d'éclairage. Le policier me dit « de toute façon, il est mort ». Je ne comprends pas trop, il respire, même si les mouvements du ventre sont irréguliers. Le pauvre à le ventre à l'air. Et personne ne peux diagnostiquer une mort cérébrale en 2 minutes. Je leur demande s'ils ont une couverture. Je n'ai pas pensé à en descendre une et le pauvre doit commencer à avoir bien mal. En plus de 20 minutes, il a dû épuiser sa décharge d'adrénaline. Ses yeux s'ouvrent et palpitent un peu. Ça ne doit pas être l'extase dans son corps. Le policier me répond qu'il ne le couvrira pas. Un peu pour la même raison que la précédente. « Pas de couverture ça ne sert à rien. » Je suis un peu incrédule sur le coup. Voilà, une situation qui ferait rager les plus patients des instructeurs de la croix rouge. Je pense à Maxime. Il aurait sûrement une meilleure attitude que moi dans cette situation. Il aurait peut-être ignoré les gestes des policiers ne serait-ce que pour parler au blessé le temps que les secours arrivent. Pendant plus de 5 minutes la police prend des photos, fond les poches du blessé. Ramasse les 4 cercles du sigle Audi, écoutent les badauds. Puis l'un d'eux fini par sortir un cône de signalisation du coffre.
« Sérieusement, les gars, vous en aviez un. On aurait pu commencer par là non ? »
Beaucoup d'incompréhension sur le protocole.
Cela ne sert à rien de rester. Je remonte parler avec mes colocs, car je ne comprends pas la réaction passive de la police. Mon coloc m'explique qu'ils ne vont rien faire jusqu'à l'arrivée des secours. Ils ne recouvrent que les cadavres une fois que le personnel médical leu a annoncé que le corps est mort. Ils n'ont pas de formation aux secours et ils se contentent de signaler les accidents. La loi leur interdit de faire plus. C'est le SAMU chilien qui arrive. Pourquoi au bout de plus de 40 minutes alors qu'on est encerclé par deux cliniques et une caserne de pompiers ? Parce que les pompiers sont tous volontaires au Chili et que le blessé ne peut être conduit dans une clinique ou un hôpital privé s'il n'a pas d'assurance ou pas d'argent. Personne ne veut faire de chèque en blanc pour faire rentrer un blessé aux urgences. Dans le doute, il faut attendre les secours gratuits et publics. Les secours posent la minerve sortent le matelas coquille. Le spectacle s'arrête.
Mon coloc m'annonce ce matin que l'homme est mort sur la route de l'hôpital, 15 minutes après l'arrivée de l'ambulance. Il a entendu la police parler. L'ambulance n'est pas partie tout de suite, elle a attendu sur place une dizaine de minutes puis s'est mise en route vers l'hôpital.
Voilà une mort parmi tant d'autre. Un accident mortel bête. C'est déjà un fait divers. Je comprends mieux le "il est déjà mort."
Un fait divers qui traduit assez bien les obstacles que je rencontre en termes de gestion des risques à Santiago. Une gestion longue ou de l'improvisation. Des lois qui ne sont pas du côté de la population, une passivité dans les situations délicates. Un manque de motivation et un manque de moyens des personnes en charge.
Bref. Juste un autre accident de la route au Chili.
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