Prendre le temps d'écouter et de converser...
- Courtois Marion
- 9 juin 2014
- 5 min de lecture
« Il faut absolument que tu voies Valparaíso ! »
Je crois que j'ai entendu cette phrase une dizaine de fois avant mon départ. Quelle chance, j'y vais ce week-end avec mon association !!!
Une fois dans le bus et en approche, je me dis, Valparaíso. OK. Mais est-ce que moi, je vous conseille de visiter Boulogne-sur-Mer ou Dunkerque en décembre.
Il faut dire que la journée de travail commence doucement, fraichement, mais de façon conviviale. Réveil, 7h00 à Casablanca. Petit déjeuner puis petite session de collage d'étiquettes corporate sur les kits d'outils que nous allons distribuer. Travail en équipe. On apprécie mes ongles longs et leurs participations à la tâche. Puis chargement du camion sous une petite pluie fine qui ne manque pas de ma rappeler les charmes du Nord-Pas-de-Calais. En route dans le minibus scolaire avec une dizaine d'ados d'un collège de Casablanca qui nous ont aidé à remplir et charger les boites. Pluie, pluie, pluie... Qu'importe, je lis un magnifique chapitre sur les catastrophes naturelles historiques du Chili. En transit vers Valparaíso, un collègue m'interpelle pour que je regarde le spectacle des hectares de forêts qui ont brulé récemment. On tourne à droite vers la Route la plus rapide. « Mauvaise idée ! » Embourbé, mes amis. Les 5 premières minutes sont presque intéressantes. Je regarde depuis notre hauteur le spectacle de la mer, qui semble avoir était courbé à 45 degrés vers nous et dont la lumière semble amplifiée par des milliers de miroirs. Quand soudain, on peut dire qu'on a le droit à la totale. Roues bloquées, minibus qui glisse à 40cm du ravin en voulant se débloquer, un orage qui assombrit le ciel, des éclairs et de la grêle qui tombe. On aura le droit à 2 beaux cm. J'ai envie de balancer un guide du routard à tous les gens qui m'ont vanté Valparaíso. 2h pour organiser l'évacuation des élèves et de trouver du matériel pour nous tracter. Le camion qui transporte les kits nous tire. La bretelle tissée nous lâche. Puis le filin 3x ( paix à ses restes) . Sauvé par la chaîne.
Arrivée à Valpo (sous la pluie) J'ai donc oublié de remarquer le charme de la ville en arrivant. Mais je remarque rapidement les couleurs, la mer mécontente et les tags qui habillent les murs de la ville au fur et à mesure de la montée. Passé la zone touristique, nous arrivons vers un des lieux escarpés où le feu a sévi. Il y a du travail à revendre, et à proposer. Des restes de structures, des nouvelles maisons en préfabriqué, des murs encore noirs charbon, des toilettes chimiques, des charpentes en cours et encore des préfabriqués. Ça sent le passage d'ONG ici. Nous passons le reste de l'après-midi à décharger, distribuer les caisses et les ranger.
16h, le déjeuner. Ne mangeant pas de gâteau au chocolat ni ne buvant de soda, j'avoue que même un verre d'eau chaude avec du citron et une biscotte aurait suffi à me mettre en joie. Je mange mon repas dans une petite maison, transformé en cuisine par des volontaires du quartier. Les habitants peuvent y venir pour prendre des rations sèches ou sous vides ou profiter de l'eau chaude et potable.
Je déjeune avec une équipe de riche donateur, représentant d'une banque. C'est apparemment à eux que l'on doit les boites à outils. Les donateurs sont venus spécialement pour l'occasion, participer et prendre des photos de la distribution. M ou Mme X, le récipiendaire, lié par une caisse en plastique et une photo numérique. C'est beau. Je m'égare.
Finalement, je passe une heure dans cette cuisine à manger et écouter les habitants parler. L'un essaye de convaincre les donateurs de la nécessiter de diriger l'aide vers des produits sanitaires. Les maisons d'ONG, c'est bien, mais sans le tout à l'égout ou l'eau potable en libre distribution, il est impossible de se doucher ou même de cuisiner. C'est bien joli une maison en préfa mais en effet,1 mois après l'incendie, il n'y a ni cuisine, ni toilettes. Cela explique donc la collection de toilettes chimique sur la route. Un autre habitant et volontaire témoigne du fait qu'aujourd'hui, les gens ont besoin de toilettes, mais aussi d'amusement. Leur envoyer des psychologues ne sert à rien, ils veulent de la musique et partager de bons moments dans le quartier. Un peu de temps de fête et de moment d'exception. Un autre explique qu'il ressent une grande injustice au quotidien. Pas de désespoir, mais une injustice. Il en veut à l'état, qui suite à la catastrophe, à simplement envoyé des agents constaté l'ampleur des dégâts en voiture sans jamais sortir de la camionnette ni même faire de recensement ou parler aux gens. Aujourd'hui, les habitants passent des heures dans les services administratifs à courir après des papiers sans jamais avoir satisfaction, alors que leurs biens ont parti en fumée. Il confesse que pour avoir un numéro de lot il a du se mettre en colère et menacer le technocrate qui lui faisait face. Néanmoins, avec une des cuisinières, il voit le positif dans cette histoire. Dans le quartier, il n'y a plus de matériel. Du coup, ça a cassé les barrières. Les gens se parlent et s'intéressent. Avant l'incendie ils se croisaient. La catastrophe à recréer du lien social. Le temps de boire, mon café, je reste avec Luna, une des cuisinières qui a fait ce repas pour 40 ou 50 personnes. Je la remercie (sans elle, j'allais surement défaillir ou perdre la raison en descendant la colline à la recherche d'une frite fricadelle) Luna, nous explique le fonctionnement de la cuisine, les besoins de chacun, l'aide qu'elle reçoit de 2 bénévoles étudiantes en théâtre, et continue à s'afférer en aidant les familles qui viennent chercher des rations tout en distribuant sourire et mots amicaux. Elle raconte la difficulté des premiers jours et la vie difficile des indigents et s'attristent du sort des enfants qui doivent aujourd'hui fournir plus d'effort que les autres depuis ces dernières semaines.
Finalement, le feu est derrière eux. Une catastrophe, ça arrive. C'est la vie. Aujourd'hui, il faut mettre la main à la pâte et faire le maximum car ils ont bien conscience qu'un jour Valparaiso n'intéressera plus personne. Eux même ont eu de la chance car Valparaiso a été plus médiatisé que beaucoup d'autres villes qui ont subi des dégâts dernièrement et qui n'ont pas reçu d'aide.
Ma pause à rallonge se termine. Il ne pleut plus et la distribution est close pour aujourd'hui. Il faut rentrer à Santiago. Eux même ont eu de la chance, car Valparaíso a été plus médiatisé que beaucoup d'autres villes qui ont subi des dégâts dernièrement et qui n'ont pas reçu d'aide. Sans la pluie, avec mon copain ou des amis pour en avoir une meilleure idée, une meilleure image. Je le ferais surement, mais finalement, j'en ai déjà un très bon souvenir.
Alors c'est à mon pour de vous le dire. « Il faut absolument que vous alliez à Valparaíso ! »
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